"Il n'y a pas de mort digne" paraît-il...
Je suis en colère. Indignée, même.
Hier soir, une femme est morte, seule. Elle s'appelait Chantal Sébire.
Atteinte depuis 8 ans d'une maladie orpheline, une tumeur évolutive des sinus avait fini par défigurer cette ancienne institutrice, et je ne parle même pas de la douleur - vous l'imaginez - qu'elle subissait au quotidien.
Se sachant victime d'un mal incurable, et en pleine possession de ses facultés mentales, elle a voulu mourir "dans la dignité", mais surtout légalement, en ayant recours à l'euthanasie dite active. Cette demande avait été refusée ce lundi par le tribunal de grande instance de Dijon.
Aujourd'hui, on parle d'une enquête, voire même d'une autopsie qui pourraient être menées afin de déterminer les causes du décès de Chantal Sibère. Au-delà de la bassesse de ces actes malvenus, c'est toute la question de l'euthanasie, pratiquée en douce dans la majorité des hôpitaux français, qui est soulevée. Quand s'arrêtera l'hypocrisie au pays des droits de l'homme? Un citoyen n'a-t-il pas le droit de mourir, dans le soulagement et accompagné des siens pour ne plus avoir à endurer une vie devenue un calvaire? Quand le gouvernement aura-t-il enfin assez de courage pour soulever le voile de l'hypocrisie qui l'aveugle depuis trop longtemps?
Eh bien, ça n'a pas tardé. Le 13 mars, madame Christine Boutin, Ministre de la ville et du logement (et accessoirement membre de l'Opus Dei), a répondu aux questions de Jean-Jacques Bourdin sur les ondes de RMC:
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Jean-Jacques Bourdin : Vous ne reconnaissez pas le droit de mourir à Chantal Sébire parce qu'elle ne peut plus vivre ?
Christine Boutin : Mais pourquoi ne peut-elle plus vivre ? Parce qu'elle dit qu'elle souffre mais il y a les médicaments qui peuvent empêcher cette souffrance, parce qu'elle est difforme mais la dignité d'une personne va au-delà de l'esthétique de cette personne. Quand elle parle de ses petits-enfants, je suis absolument convaincue que cette ancienne institutrice peut aider encore ses petits-enfants à aller de l'avant. Ses enfants l'aiment aussi.
Jean-Jacques Bourdin : Ils l'aiment mais ils comprennent sa demande et sont prêts à l'accompagner...
Christine Boutin : Vous croyez vraiment que donner la mort c'est un geste d'amour, non, ce n'en est pas un, c'est un non-respect de la dignité de toute personne. Ce qui est en cause dans cette personne c'est sa souffrance.
Jean-Jacques Bourdin : Vous pensez qu'elle est instrumentalisée ?
Christine Boutin : Oui, je le crois. Elle n'est pas suffisamment entourée, je crois qu'il faut qu'il y ait des médecins qui soient autour d'elle, qui l'aident à ne pas souffrir car aujourd'hui je suis convaincue qu'il peut y avoir un accompagnement. Apparemment, vous la voyez dans le Parisien, assise, cette femme, mis à part son visage qui est bouleversant, elle semble en parfait état physique. C'est un échec total que de laisser penser que c'est un geste d'amour ou un progrès.
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Tant d'aveuglement et d'incompétence me sidèrent. Comment peut-on oser nier la douleur, la souffrance physique et morale de cette pauvre femme? Comment peut-on oser lui refuser ce droit, en se réfugiant derrière l'intégrisme catholique? Comment peut-on oser déclarer de tels propos et nier l'évidence?
Madame Boutin, vous êtes indigne de votre fonction, et n'êtes certainement en position de juger la prise de décision de madame Sébire. Honte à vous qui, une fois de plus, avez manqué une occasion de vous taire. Je vous méprise.
Je m'en vais donc revisionner de ce pas Mar Adentro en rêvant d'un monde meilleur, où le droit de mourir aurait tout aussi bien sa place que le droit aussi désespéré qu'inutile de se raccrocher à une existence sous le joug de la douleur.
Ramon Sampedro, si tu nous écoutes...